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Crossfit

Les effets de l’excentrique

Sommaire


En CrossFit, l’excentrique est une phase très importante pour la performance. Nous recherchons tous la vitesse limite (Intensité). Nous recherchons donc tous à ralentir le plus tard possible… très fortement, avant de changer de sens. L’excentrique est donc une phase de l’effort musculaire vital pour nous. Voyons exactement comment cela fonctionne.

Commençons par un peu d’anatomie musculaire afin de mieux appréhender la suite.

Le muscle est formé de fibres musculaires qui sont constituées d’éléments identiques (les sarcomères). La longueur de chaque fibre et leur sens dans un muscle définissent la fonction de ce dernier dans chaque portion d’un mouvement (aux différents moments et aux différentes forces appliquées).

Chaque sarcomère est constitué d’éléments contractiles (actine et myosine) qui vont permettre l’aspect moteur volontaire (contraction), d’éléments structurels (titine, desmine, nébuline par exemple) qui vont permettre l’élasticité et la forme du muscle. Il existe également des éléments fonctionnels (tropomyosine, troponine par exemple) qui ont un rôle dans l’utilisation de l’énergie et donc dans la possibilité de la contraction.

Les éléments contractiles fonctionnent par glissement les uns sur les autres. Ce glissement se fait grâce à des accroches (têtes de myosines) qui pivotent. C’est directement le nombre des accroches qui définit la force possible à un moment donné (si le muscle est étiré, comme le montre le dessin ci-dessus, il y a une zone de non chevauchement et donc d’impossibilité d’accroches.

De manière très schématique, lorsqu’une contraction est sollicitée par le système nerveux, ce dernier dépolarise la cellule, engendrant une augmentation du taux de calcium. Ce calcium par se ‘coller’ aux éléments fonctionnels qui se déplaceront. La place libérée permettra à l’énergie (ATP) de s’accoupler avec la tête de myosine qui fera son travail de mouvement (raccourcissement) des sarcomères. Lors d’une sollicitation nerveuse, tous les sarcomères d’une même fibre sont nécessairement activées. Cela n’implique pas un même degré d’implication (notamment à cause de possibles différences de longueurs initiales engendrant des accroches différentes).

Le système nerveux a sollicité la contraction par nécessité (ou volonté). Il y a donc une charge (poids du membre, charge de travail, etc.). C’est cette charge qui définira le mouvement (isométrique, concentrique ou excentrique). En effet, si la charge est supérieure à la force possible (nombres d’accroches), le muscle ne pourra pas la tenir et s’allongera. Si la charge est inférieure à la force possible, le muscle se raccourcira. Si la force est égale à celle du muscle, il n’y aura pas de mouvement (isométrie).

Durant la phase d’étirement (excentrique), les éléments non contractiles (structurels) vont se retrouver étirés. Ils vont donc s’opposer à l’étirement. Ainsi, à la suite de l’étirement, lors du raccourcissement, ils participeront de manière mécanique à la force des accroches. C’est la composante élastique parallèle.

En plus de ceci, d’autres éléments non contractiles auront la même fonction : les éléments externes aux fibres musculaires (les tendons par exemple).

Pour plus d’informations sur cet aspect élastique, je vous conseille de lire la synthèse d’étude à ce sujet.

Voici schématiquement les éléments musculaires participant à la contraction.

La théorie de Huxley

Maintenant, voyons l’aspect tension-longueur. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, celle-ci est importante puisqu’elle définit la force potentielle de la fibre (nombre d’accroches possibles). Nous allons lui ajouter ce que nous venons de voir : l’aspect élastique des éléments structurels.

Comme le montre la photo ci-dessus, en fonction de la longueur de la fibre, il y a plus ou moins d’accroches possibles entre la myosine et l’actine (donc plus ou moins de force possible). Plus la longueur est grande, moins la force sera grande. Les études le montrent sur la contraction volontaire qui est moins importante à mesure que la longueur du muscle chute.

Par contre, plus la fibre sera étirée, plus les éléments structurels (titine notamment) seront déformés et imposeront une force allant dans le sens du raccourcissement (comme un élastique que l’on étire). Et plus cet étirement sera grand, plus cette force sera importante.

Les études montrent que plus on étire le muscle (moindre d’accroches possibles), plus la fréquence des impulsions chute (la force élastique remplaçant une partie de la force active = contractile) : Rack et Westbury (1969).

L’inverse est également vrai : dans le cas d’un raccourcissement important, il y a chevauchement des éléments contractiles, ce qui réduit également le potentiel d’accroches et donc de force. Sauf que là il n’y a plus l’aspect élastique pour aider.

Pour résumer, lorsque le muscle est contracté au maximum, il a un potentiel donné de force active. Plus le muscle s’étirera, plus se potentiel actif augmentera. Ceci jusqu’au point où l’étirement sera trop important. Le potentiel actif de force chutera alors tout le long de la poursuite de l’étirement. Inversement, le potentiel de force passive (éléments structurels) présentera une élévation au fur et à mesure de l’étirement. L’un ne compense pas l’autre, mais modifie considérablement les aspects énergétiques, biomécaniques et nerveux.

Maintenant que les bases de la contraction sont posées, passons aux bases de la biomécanique fibrillaire (grand mot qui ne veut rien dire).

Introduction à l’excentrique

Lorsque le muscle s’allonge, la contraction est dite en régime excentrique. Cette phase est très fréquente dans le sport et est souvent associée à une exploitation importante de la force ainsi qu’à une plus grande efficacité énergétique. L’excentrique est en effet très conservateur dans la  consommation d’énergie.

Par contre, l’excentrique est le moment du geste où les risques de blessures sont augmentés du fait d’une augmentation de la tension mise notamment sur les éléments non contractiles (les tissus type tendons, aponévroses, fascias, etc.).

D’un point de vue électrique, la mise en place nerveuse (coordination) est très spécifique à l’excentrique. En outre, le travail excentrique semble provoquer un plus grand effort des muscles antagonistes et une meilleure synchronisation des unités motrices.

Du point de vue du volume de fibres intervenant, il semble que le régime excentrique active moins d’unités motrices pour une même charge, provocant une plus faible intensité électrique. Toujours dans cette notion électrique, la fréquence des impulsions semblent moindre.

Plusieurs études montrent une baisse de l’activité réflexe durant cet étirement musculaire. A  l’inverse, il y a augmentation de l’activité corticale et du retour sensoriel périphérique (feedback).

Certains travaux montrent que le régime excentrique pourrait provoquer un recrutement sélectif des fibres les plus puissantes (mais très fatigables) sans faire intervenir les fibres lentes, donc à l’opposé du modèle habituel de contraction tel que nous l’avons dans le mode isométrique et concentrique (modèle de Henneman de 1957). Ceci est partiellement contredit par plusieurs études importantes.

Ainsi, le travail excentrique, sous réserve d’une bonne technicité et de maîtrise des charges (risques de blessure) semble être parfait : moindre coût énergétique, exploitation des fibres les plus puissantes, réduction de la fréquence d’impulsion (moindre fatigabilité du Système Nerveux), etc.

En fait, beaucoup de ce qui précède sont des idées reçues entretenues et déformées par les journaux ‘spécialisés’ qui ne tiennent pas compte des composantes des études. En effet, en régime excentrique, il y a une énorme différence de comportement mécanique et électrique entre l’étude in-vitro et l’étude directement sur le corps. De même, les animaux ne semblent pas réagir de la même manière que les hommes aux régimes excentriques (puisque celui-ci passe par une sélection du cerveau comme nous le verrons plus tard).

En résumé de ce qui suit, le régime excentrique :

  • Ne semble pas modifier l’ordre de recrutement des fibres musculaires, notamment chez l’homme.
  • Permet une moindre dépense énergétique.
  • Engendre un besoin de récupération plus important.
  • Engendre une fatigue locale accrue (pas au niveau central).
  • Engendre un travail intellectuel (système nerveux supraspinal) afin d’établir une stratégie de contraction différente des régimes isométrique et concentrique.
  • Plus le nombre de répétitions augmente, moins l’activité électrique cérébrale intervient. Le muscle ‘apprend’ et peut se passer du travail du cerveau pour la stratégie de recrutement.
  • Engendre une meilleure coordination (apprentissage ?) à très faible vitesse
  • N’engendre pas de modification du couple de force avec la vitesse, mais avec l’augmentation de la longueur des muscles. C’est l’angle qui définira la tension mise en jeu.
  • La phase excentrique engendre une co-activation modulable des muscles antagonistes en fonction de la vitesse, de l’angle et de la charge.
  • L’activité électrique est plus basse en régime excentrique, potentiellement le résultat d’une baisse de l’activation ‘réflexe’.
  • Le début d’une phase excentrique implique une intensité électrique moindre (par rapport au concentrique et à l’isométrie). Cette différence disparaît avec l’apprentissage et le renforcement musculaire. Cette désactivation n’existe que pour des charges importantes (apparemment supérieures à 50% du 1RM).
  • Par contre, la fréquence des impulsions électriques est plus importante en excentrique.
  • Du point de vue architectural, le sens d’orientation présente un rôle primordial dans la force développée en excentrique (angle de pennation). Ainsi un même muscle ne présentera pas les mêmes capacités en fonction des angles articulaires.

Pour l’entraînement, que pouvons-nous en déduire ?

La vitesse excentrique n’a que peu de relation avec la force développée. Au contraire, la petitesse de la vitesse induira une meilleure coordination électrique. Il est donc intéressant de travailler à un ralentissement maximal lors d’un travail excentrique. En fonction de la charge et donc de la capacité de l’athlète à ralentir cette charge, cette vitesse pourra être importante si la charge est lourde ; mais elle sera toujours la plus basse vitesse possible.

La tension (ou couple de force) est en relation avec l’angle. Les gains électriques et mécaniques sont fortement dépendants de la longueur du muscle à l’instant T, ainsi que de l’orientation des fibres le composant. La stratégie motrice est donc primordiale pour l’apprentissage moteur. Pour le renforcement musculaire, le travail en amplitude complète semble vital pour un renforcement homogène en régime excentrique. Celui est d’autant plus vrai que les muscles/faisceaux de fibres semblent se transmettre le flambeau (travail) à mesure de la modification de l’angle articulaire. Ainsi un travail excentrique en amplitude complète pourrait permettre un renforcement plus global sur les muscles travaillant en synergie sur un mouvement donné.

Dans un objectif de préparation physique, il ne semble pas intéressant de travailler sur de gros volumes en excentrique (renforcement musculaire, apprentissage moteur). En effet, la répétition engendre une baisse de l’activité supra spinale (baisse de l’apprentissage). De même, la fatigabilité locale accrue nécessitant plus de récupération, l’augmentation du nombre de répétition au sein d’une série engendrera un repos plus important (pour certains cas plus de 30 minutes). La qualité semble plus importante en excentrique que la quantité. D’autre part, la faiblesse de l’implication énergétique ne semble pas rendre ce régime intéressant pour l’aspect quantitatif.

A l’inverse, lors d’un travail excentrique sous-maximal (notamment dans le protocole de Stanish pour la réhabilitation), le fait que la durée d’une série réduit l’activité cérébrale peut être intéressant afin de présenter un travail purement mécanique (et ainsi aller plus ‘loin dans la relance de l’anabolisme des tissus mous’).

Nous allons donc faire un petit tour des études afin de définir exactement ce qui se passe durant la phase excentrique (autant que les connaissances actuelles le permettent) et donc comment s’en servir durant les séances d’entraînement.

Un début de réponse sur l’excentrique

Il convient aussi de prendre toutes ces études avec des pincettes : toutes présentent des conditions isocinétiques. C’est-à-dire que la vitesse de départ est identique à la vitesse d’arrivée. Dans la réalité, les choses ne sont jamais le cas (sauf pour les chanceux qui possèdent des machines type Biodex… mais CrossFit et machine, vous savez ce que l’on dit^^).

D’autre part, il ne faut pas oublier ce que nous avons observé précédemment : la non homogénéité des muscles. En effet, toutes les fibres d’un même muscle ne sont pas à la même longueur d’étirement (ou de raccourcissement) à l’instant T. Ainsi l’interprétation des résultats est très compliquée puisqu’une tension prise à un moment donné ne reflètera que la tension de la portion du muscle intervenant et non les autres (Ishikawat 2005, Kawakami et Fukunaga, 2006).

De là, puisque les éléments d’un muscle ne varient pas de la même manière au même moment, la vitesse de raccourcissement (ou d’allongement) d’un muscle n’est pas forcément la même que celle des fibres qui le composent (Ichinose 2000, Reeves et Narici, 2003).

Les études ne prennent pratiquement jamais les antagonistes en compte (supposition de la non intervention) alors que ce n’est pas vrai et qu’eux même présentent les mêmes disparités que les muscles étudiés.

Heureusement les nouvelles technologies sont arrivées. Ainsi, grâce à elles (ultrason notamment), on a pu observer (pour le quadriceps et l’angle du genou), que le couple de force maximale se déplace vers une ouverture de l’angle à mesure que la vitesse augmente (Kawakami 2002). Donc plus la vitesse augmente, plus le moment où la force maximale intervient se rapproche du raccourcissement maximal. De plus, il montre que malgré le changement d’angle de l’articulation, la force maximale présente une longueur de fibres musculaires identiques. Ainsi, tout se joue sur la longueur des composantes structurelles du muscle et non sur la masse musculaire propre. Pour faire court, la force maximale du muscle en entier intervient plus tard avec la vitesse du mouvement, mais avec une longueur de ses fibres identiques quel que soit la vitesse (c’est donc la longueur des fibres qui définit la force maximale, quelle qu’elle soit). Les éléments non contractiles (composantes élastiques) intervenant pour faire tampon dans la longueur globale.

Ceci est démontré par Chino (2003) qui montre que plus la vitesse augmente, plus il y a une différence de vitesse de raccourcissement entre les fascicules et le muscle-tendon.

En fait, cela fonctionne comme les vers de terre. L’ombilic, lorsqu’il avance, contracte une partie de son corps, relâche une autre et ainsi de suite. L’aspect global de ce mouvement donne l’impression que les éléments sont en avance les uns par rapport aux autres. Et plus la vitesse augmente, plus cette impression est forte (malgré des contractions identiques).

Pour en revenir à notre notion excentrique, en 2003, Reeves et son équipe montrent que les fascicules présentent des contractions quasi isométriques, quelle que soit la vitesse. J’ai déjà expliqué cela sur la synthèse sur l’énergie élastique et sur la mise en pratique dans la préparation physique. Kawakami l’avait préalablement montré lors du saut avec contre-mouvement (2002).

Les mécanismes de l’excentrique

Comme nous venons de le voir, la succession des sarcomères donne la longueur d’une fibre musculaire. Celle-ci n’a rien à voir avec la longueur ni la forme des muscles. En effet, certains muscles longs présentent de toutes petites fibres et inversement. De même, les fibres musculaires ne sont pas systématiquement dans le sens du muscle. Ainsi pour les massages, attention à connaître votre anatomie, sinon vous aller produire l’effet inverse de ce que vous recherchez (notamment avec les Rollers Foam pour les automassages). On peut les retrouver dans la longueur, la largeur, obliquement et dans toutes les possibilités intermédiaires. On parle alors de faisceaux de fibres lorsque l’on a un regroupement de fibres ayant la même orientation.

Ceci est très important dans la notion de contraction, car un muscle peu parfaitement se contracter par raccourcissement dans la longueur, mais également dans la largeur ou obliquement. C’est pour cela que selon les gestes, un muscle peut être moteur (raccourcissement), synergique (il ne se raccourcira que lorsque l’articulation sera à un angle donné, permettant aux fibres d’être dans le sens du mouvement) ou de maintien (ou gainage). C’est ce que l’on appelle l’angle de pennation : le sens de force des fibres musculaires par rapport au sens de fonctionnement d’un muscle. Plus l’angle est grand (sens des fibres déviées du sens de la force du muscle), moins le muscle est fort. Plus le muscle est entraîné, plus l’angle augmente (augmentation du diamètre des fibres, augmentation du nombre de secousses de contraction). Ainsi, même si la force d’une fibre est liée à sa grosseur (en plus du nombre d’accroches), elle n’est pas proportionnelle et, dans la préparation physique, la recherche de la force maximale pour un poids donné est souvent prioritaire sur la masse globale (hors aspect balistique ou catégorie de poids).

Ceci est facilement compréhensible :

Quand un muscle se contracte, si les fibres mal orientées se contractent, elles vont provoquer une raideur à cette zone, s’opposant au mouvement (raccourcissement ou allongement du muscle). Plus elles vont grossir, plus cette raideur va augmenter. Plus elles vont travailler (fatigue immédiate durant l’entraînement), moins elles pourront se contracter. Là, elles créeront des zones ‘molles’ qui feront baisser la raideur musculaire et donc la transmission des forces pour la phase concentrique. Pour la phase excentrique, ne pouvant amener la même raideur, le muscle aura moins de notion élastique (plus de lâche), donc également baisse de force.

Ainsi, la perte de force (et donc l’impression d’être allé au bout) n’est pas nécessairement liée à la fatigue nerveuse (même s’il ne faut pas oublier cette notion), ni énergétique, mais tout simplement à l’impossibilité du muscle à poursuivre l’effort dans le temps. C’est en partie cette notion qui limitera par exemple le cycliste ou le nageur dans la durée de course à pied alors qu’ils sont capables d’établir des séances de durées très nettement supérieures à celle des coureurs.

Ceci est valable sur un angle articulaire donné. Toute modification articulaire change l’orientation des fibres qui ne sont pas naturellement dans le bon sens (le muscle n’intervient plus de la même manière) et donc l’angle de pennation change également. Ainsi, Ito  et coll., 1998, Narici, 1999, Maganaris et coll., 2001, ont montré que chaque muscle présente une force potentielle maximale à un angle donné, lorsque les fibres dans le mauvais sens sont perpendiculaire à l’axe des tendons, puis que cette force décroit au fur et à mesure que l’articulation bouge. C’est pour cela que le travail isométrique totale (à ne pas confondre avec maximal, cf Le Static) propose des bénéfices sur l’angle donné plus ou moins 5-10° selon les études et les muscles.

Ainsi, nous venons de voir que les études sur les fibres n’auront pas les mêmes impacts sur l’entraînement que les études sur les muscles en action (les interactions sont très importantes, pouvant s’ajouter ou s’annihiler selon les cas).

Regardons donc les informations sur le corps.

Ici, une notion supplémentaire va intervenir : la vitesse. Celle-ci modifiera énormément les informations liées aux études sur les fibres musculaires.

Depuis Hill (1922), nous savons que la force concentrique produite par un muscle décroit proportionnellement avec la vitesse du mouvement. D’autres études (Stienen, 1992, Roots, 2007) ont montré la même chose sur plusieurs muscles isolés. Ceci est logique : plus la vitesse de raccourcissement augmente, moins les têtes de myosines (accroches) n’ont le temps de fonctionner, moins il y aura d’accroches. Comme le nombre d’accroches définie la force, CQDF ((Woledge, 1985, Gordon, 2000).

D’autres notions interviennent également :

Certaines accroches n’ont pas le temps de revenir dans leurs positions initiales et seront moins étirées durant leurs raccourcissements.

Certaines accroches semblent ‘paniquer’ et produire des mouvements inverses (donc s’opposant au raccourcissement).

Ainsi, lors des efforts rapides, il convient d’avoir des fibres musculaires dites rapides opérationnelles, car sinon le mouvement sera anarchique, dé-coordonné. La préparation physique est également là pour préparer cet aspect qualitatif.

Passons maintenant à l’excentrique, qui nous intéresse plus particulièrement.

Plusieurs études montrent que la tension neuromusculaire augmente à mesure de l’augmentation de la vitesse d’allongement de la fibre, jusqu’à une vitesse où il y aura stagnation de cette tension. Ainsi, l’aspect cinétique est important durant l’excentrique, mais il n’est pas nécessaire d’aller trop vite (pas d’intérêt supplémentaire à cause de l’augmentation des risques de blessures): Katz, 1939, Joyce et Rack, 1969, Edman, 1978, Lännergren, 1978, Lombardi et Piazzesi, 1990, Stienen, 1992.

Durant l’excentrique, la tension développée (force musculaire + raideur élastique) est plus importante que celle présentée par l’isométrie (Lännergren, 1978).

Comme nous le voyons sur les graphes ci-dessous, la vitesse angulaire de l’articulation joue un rôle aussi bien en régime concentrique, qu’excentrique, jusqu’à un certain point (vitesse) où il n’y aura plus de modification de tension induite.

Ceci semble vrai chez l’animal et sur les fibres isolées. par contre, lorsque nous arrivons aux études sur l’homme, et dans des notions de force maximale, rien n’est simple.

Pour certains, la vitesse ne semble plus jouer (Colliander 1989, Hageman 1988, Colliander 1989, Westing, 1988, 1989 et 1991, Duley 1990, Amiridis 1996, Seger et Thorstensson 2000, Pinniger 2000 et 2003). Pour d’autres, elle a un impact jusqu’à un certain point (Westing 1988, Kellis 1998, Hortobagyi 1990, Komi 1973). Komi (2000) a même montré un moindre couple de force en régime excentrique quel que soit la vitesse de mouvement.

Ainsi, lorsque l’on affirme que tel régime de contraction est mieux pour telle amélioration, attention…

Tout dépend en fait de l’angle où est mesurée la force et aussi de la pré-activation (beaucoup d’études utilisent une phase isométrique préalable).

En 2000, Seger et Thorstensson ont tenté de faire une étude simplificatrice (uniformisation des données) pour avoir des informations exploitables. Il en résulte que l’excentrique produit plus d’impulsions électriques fortes que l’isométrie qui elle-même en produit de plus fortes que le concentrique. il n’y a pas de différences électriques avec les vitesses.

Mais cela ne prend pas en compte la notion de tension globale (force + raideur) et surtout cela s’arrête à des efforts allant jusqu’à 70% de la contraction maximale volontaire.

Les prémices d’une remise en cause

Parmi les biais dont nous avons discuté plus haut, il y a également la pré-activation. Il semble que celle-ci joue un rôle prépondérant dans la manière dont l’excentrique se fera.

Une pré-activation par contraction isométrique avant la phase excentrique aura pour conséquence un raccourcissement préalable des fascicules. L’excentrique proposant une force de tension plus forte (voir les études précédentes), le muscle tirera sur le tendon (étirement de ce dernier). Cela aura pour effet de réduire la vitesse d’allongement des fascicules (le tendon prenant une partie de l’impact des fascicules).

Ainsi, une pré activation engendrera un travail musculaire plus fort (moins d’implication des éléments non contractiles). Les adeptes de l’enchainement des répétitions en musculation devront réfléchir pour savoir si cela correspond à l’objectif de leurs cycles.

Par contre, même si la tension est plus forte, la sollicitation électrique l’est moins en excentrique. En effet, toutes les techniques de contrôle (EMG, électrostimulation sur-impulsives, etc.) montrent que l’activation électrique du muscle est plus faible durant l’allongement.

Il semblerait que cela viennent d’une activation sélective (volontaire) du cerveau. En effet, en débutant un mouvement (concentrique ou excentrique) par un temps isométrique, l’importance de l’EMG sera plus du côté du concentrique. Si on dit aux sujets qu’il y aura concentrique et qu’au dernier moment la machine impose un excentrique, l’EMG est plus fort au début du mouvement (Grabiner et Owings, 2002). Mieux : en concentrique, si l’on prévoit une vitesse faible, l’amplitude de l’EMG est également faible.

Là une notion très intéressante pour les athlètes préparés comme il faut : en 1996, Amiridis montre qu’une phase de renforcement musculaire annule cet aspect sélectif du cerveau. Aagaard (2000) a également montré cette adaptation sur le concentrique lent avec un renforcement musculaire.

En fait, Babault (2001) a montré que cette désactivation n’est présente que pour des intensités importantes (+54% de la contraction volontaire maximale). N’ayant pas testé l’intégralité des muscles du corps, il est à parier que ce chiffre variera en fonction de l’angle, du muscle et de la vitesse.

Lors de l’introduction, nous avons vu qu’une des idées actuelles était que le recrutement des fibres musculaires est inversé, de la plus forte à la plus faible. Cela pourrait justifier la moindre importance de l’EMG lors de l’excentrique.

Mais cela semble également illogique pour plusieurs raisons :

Une plaque motrice réagit à une intensité. Si l’EMG est plus faible, l’intensité d’excitation l’est aussi et donc la fibre puissante ne sera pas sollicitée.

Lors de ses gestes, l’athlète entraîné doit normalement être plus économe que le sédentaire. Là cette idée impliquerait l’inverse.

En fait, cette idée provient d’une étude de Nardone (1988) qui a montré que durant la phase excentrique du soléaire, par rapport à la cheville, induisait une élévation de l’activation de la portion latérale du jumeau au détriment du soléaire. Comme le soléaire présente plus de fibres lentes que le jumeau, le raccourcit est fait.

En 1995, Howell confirme la chose avec …. Seulement 3 sujets et 3 unités motrices par sujet. Un peu juste comme représentativité.

Moritani, 1987 et Linnamo, 2003, quant à eux, trouvent les mêmes conclusions sans observation des caractéristiques de chaque unités motrices (utilisation d’une moyenne par muscle).

Toutefois, l’activation d’un muscle au détriment d’un autre fut observée de nombreuses fois (Tax , 1989, Nakazawa, 1993, Nakazawa 1993). Nakazawa est allé un peu plus loin en expliquant que le transfert d’implication d’un muscle à un autre se fait en fonction du bras de levier (en fonction de l’angle de l’articulation). Cela ne résout pas la notion de fibres lentes et fibres rapides, mais cela montre qu’il y a modification de l’implication d’un muscle en fonction de l’angle (ce que nous avons vu précédemment avec la notion de biomécanique de la cellule musculaire).

En résumé, cela signifie que le régime excentrique on va modifier la coordination musculaire pour solliciter des muscles plus aptes en termes de lignes de force et de bras de levier. Il n’y a aucune raison d’impliquer la typologie des fibres (les études sur des muscles synergiques de même type montrent aussi des changements d’implications).

Comment se décide les changements d’activation des muscles en excentrique ?

La réponse n’existe pas clairement pour l’instant. Toutefois, quelques lignes directrices semblent apparaître.

En effet, contrairement à Nardone qui a utilisé une charge fixe, Pinniger (2000) ne trouve aucune modification d’EMG en exploitant une vitesse angulaire fixe.

Ainsi, lorsque la charge est fixe, il y a des ‘parasites’, des petits mouvements de saccade intramusculaire (on ne les détecte pas à la sensation ou à l’œil) (Stotz et Bawa, 2001).

Pour achever cette idée reçue d’inversion des activations de fibres, pléthores d’études ont montré une absence de modification du principe de Henneman (Garland, 1994, 1996, Christensen, 1995, Søgaard, 1996, Kossev et Christova, 1998, Bawa et Jones, 1999, Christova et Kossev, 2000, Stotz et Bawa, 2001, Tax et coll., 1989). Certaines d’entre elles pour une plage de vitesse très importante (de 10 à 100°/seconde).

Pour l’aspect dérecrutement des fibres lentes, les études montrant l’absence de ce dernier sont également légion (Tax, 1989, Garland, 1994, 1996, Christensen, 1995, Søgaard, 1996, Kossev, 1998, 2000). Elles ont toutes permis de voir que l’ordre de recrutement est identique quel que soit le régime de contraction, qu’il n’y avait pas de dérecrutement de fibres plus lentes. Par contre, certaines montrent des sollicitations supplémentaires de fibres à haut niveau d’activation (les plus rapides/fortes) de manière ponctuelle et exclusive (elles ne semblent être sollicitées que durant l’excentrique).

Pour la manière dont elles sont sollicitées (fréquence des impulsions), l’ensemble de la littérature semble avoir trouvé un compromis : il y a baisse de la fréquence de sollicitions à charge égale (donc désynchronisation des fibres). A l’inverse du concentrique, cette fréquence augmente à mesure que la vitesse excentrique chute.

Par contre ceci n’est pas linéaire. Si, à la suite d’une contraction isométrique, on effectue une phase concentrique, la fréquence chute au début pour remonter à des niveaux supérieurs à mesure du raccourcissement. C’est exactement l’inverse en excentrique (forte augmentation de la fréquence en début de mouvement puis chute à mesure de l’allongement tout en restant au-dessus de la fréquence isométrique et concentrique) : Pasquier, 2009. Cela semble lié à la longueur des éléments non contractiles (qui remplaceraient la force motrice).

Fang (2001, 2004) a montré que le niveau du système nerveux est plus haut et plus précoce en excentrique comparativement au régime concentrique, et notamment au niveau du cerveau (cortical), faisant donc intervenir plus d’aires fonctionnelles cérébrales. Le cerveau semble donc avoir une stratégie différente en fonction des régimes de contraction.

La synthèse des études du système nerveux spinal (réflexes musculaires) et supraspinal (gestion par le cerveau) semble orienter l’excentrique vers une inhibition des activités spinales et une baisse de l’excitabilité corticale. Ceci pourrait nous expliquer le pourquoi de la baisse de l’EMG en excentrique (moins de surimposition d’activités nerveuses).

La Fatigue

Parmi les processus propres à chaque régime de contraction, nous trouvons également la fatigue nerveuse dont nous avons précédemment exprimé l’existence.

Cette fatigue nerveuse peut-être locale ou centrale (McKenzie, 1992).

Parmi les facteurs possibles de fatigue nerveuse centrale (globale), on retrouve :

– Réduction de l’activité nerveuse du cortex moteur.
– Baisse des possibilités de conduction des influx nerveux le long des axones.
– Baisse de l’excitabilité des motoneurones.
– Ces facteurs possibles engendrent une baisse de transmission de l’information aux muscles.

Au niveau périphérique, nous retrouvons également différents facteurs possibles :

– Modifications des métabolites dans les motoneurones,
– Mécanismes de contraction hors d’état (manque d’énergie, dégradation trop forte des éléments le constituant, etc.),
– Baisse de l’excitabilité de la membrane musculaire

Généralement la fatigue sera représentée par une modification du fonctionnement du calcium (manque, détérioration, etc.) soit en amont (baisse de la relation excitation/libération) soit en aval (baisse de la relation libération/fonction).

Le sodium et le potassium sont également influant dans la fatigue locale.

La gestion énergétique en excentrique

Sargeant et Dolan, 1987, Ryschon, 1997, et bien d’autres ont montré une meilleure gestion de l’énergie durant l’excentrique, réduisant l’impact de ce régime sur la fatigue.

Ceci s’explique par le fait que l’action motrice des éléments contractiles (les accroches) n’est pas prépondérante : leur rôle passe en mode passif (résister à un étirement et donc tentative de maintien de l’accroche plus longue, réduisant de fait le nombre de cycle accroche-décroche et donc le nombre d’ATP consommée).

Par contre, cela suppose plus de ‘casse’ des accroches (elles résistent jusqu’au décrochage, pouvant intervenir trop tard). Ce qui explique en grande partie les courbatures plus importantes mais également un temps de reconstitution également plus long (avec la dégradation de la structure même des sarcomères par l’extension importante des éléments structurels).

Brown, 1996, Ingalls, 1998 ont montré que cette déformation/casse peut-être à l’origine de la fatigue nerveuse locale (baisse de l’excitabilité).

Ainsi, du point de vue énergétique, l’ensemble des études axées sur des mouvements mono-articulaires montre une moindre fatigabilité du système neuromusculaire en excentrique. Komi (1974 et 1977) montre l’inverse sur des mouvements poly articulaires et poly musculaires.

Du point de vue nerveux, la fatigue semble être multi-factorielle. Le cortex réduirait son activité (fatigue centrale). En fait, cette baisse d’activité serait volontaire et en relation avec une activité inhibitrice du système spinal (le cerveau baisserait volontairement son activité pour ne pas se fatiguer pour rien), simulant ainsi une fatigue centrale (Loscher et Nordlund, 2002).

Hortobagyi (1996) a montré une potentiation de l’onde M au fur et à mesure des répétitions excentriques. L’onde M étant, schématiquement, une réponse motrice directe (au contraire des activités centrales et réflexes). Une potentialisation de l’onde M maximale en fonction du niveau de force produit est présente lors de contractions volontaires (Pensini et Martin, 2004). Celle-ci serait due à plusieurs facteurs tels qu’une meilleure synchronisation des potentiels d’actions unitaires (Fitch et McComas, 1985) ou une augmentation de l’amplitude de ces potentiels (Hicks, 1989) témoignant d’une plus grande activité de la pompe sodium/potassium et/ou d’un abaissement du seuil de dépolarisation des motoneurones. En résumé, à mesure que l’effort excentrique se répète, l’activation centrale (gestion du cerveau) est progressivement remplacée (jusqu’à disparaître) par une activité plus locale. Cela implique qu’au fur et à mesure des répétitions dans la série, l’organisme apprend à automatiser la stratégie excentrique et donc que le SNC intervient moins. Nous retrouvons ici l’information précédemment vue sur la modification de la préparation avec les sportifs ayant eu un renforcement musculaire préalable.

Au final, la fatigabilité en régime excentrique (maximal volontaire) est moindre par rapport aux autres régimes (Ray et Chandler, 1989, Tesch, 1990, Crewshaw, 1995, Hortobagyi, 1996, Grabiner et Owings, 1999, Kay, 2000). En mode non volontaire (électrostimulation), il n’y a pas de différences de fatigabilité entre l’excentrique et le concentrique (Binder-Macleod et Lee, 1996).

Pasquet (2009) montre qu’il y a une cinétique de la fatigue et qu’après quelques séries (4 dans son étude), les niveaux de fatigabilité excentrique/concentrique se rejoignent. En fait, il a trouvé une différence de récupération (plus rapide en concentrique), engendrant une baisse progressive du couple de force en excentrique. Cette fatigue semble résulter d’une fatigue locale.



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